Ces comportements d’animaux domestiques que nous interprétons mal : décryptage avec les experts du comportement animal #

Ronronnements, queue qui remue, tête inclinée… Nous pensons souvent comprendre parfaitement ce que nos animaux de compagnie tentent de nous communiquer. Pourtant, de nombreux comportements de nos fidèles compagnons sont régulièrement mal interprétés, parfois avec des conséquences sur leur bien-être. Des spécialistes du comportement animal nous aident à décoder le véritable langage de nos amis à quatre pattes.

Le chat qui ronronne n’est pas toujours heureux #

Le ronronnement du chat est sans doute l’un des comportements les plus communément mal compris. « Beaucoup de propriétaires pensent que leur chat ronronne uniquement lorsqu’il est content, mais c’est une simplification excessive », explique la Dr Camille Leroy, vétérinaire comportementaliste. « Le ronronnement peut aussi être un mécanisme d’auto-apaisement en situation de stress, d’inconfort ou même de douleur. »

Des études récentes ont démontré que les chats utilisent différents types de ronronnements selon les contextes. « Un chat peut ronronner chez le vétérinaire alors qu’il est anxieux, ou lorsqu’il souffre d’une blessure », poursuit la spécialiste. « C’est un peu comme si nous, humains, nous nous mettions à fredonner pour nous calmer dans une situation stressante. »

Comment mieux interpréter ? Observez les autres signaux corporels : un chat détendu aura les oreilles droites, les yeux mi-clos et une posture relâchée. En revanche, des oreilles aplaties, une queue agitée ou un corps tendu accompagnant un ronronnement peuvent indiquer un malaise.

Le chien qui remue la queue n’est pas toujours amical #

« La queue qui remue est probablement le signal canin le plus mal interprété », affirme Marc Dubois, éducateur canin et spécialiste du comportement. « Ce n’est pas un indicateur universel de joie ou d’amitié, mais plutôt un signe d’excitation ou de stimulation émotionnelle, qu’elle soit positive ou négative. »

La façon dont la queue s’agite est cruciale pour comprendre ce que votre chien essaie de communiquer :

Une queue qui bat largement et de façon détendue indique généralement une émotion positive.
Un mouvement rapide et raide, surtout si la queue est haute, peut signaler une alerte, voire de l’agressivité.
Une queue basse qui remue légèrement peut exprimer de l’insécurité ou de la soumission.

« J’ai vu de nombreuses morsures survenir parce qu’un propriétaire a mal interprété un mouvement de queue comme une invitation à approcher », prévient M. Dubois.

Comment mieux interpréter ? « Regardez l’ensemble du corps, pas seulement la queue », conseille l’expert. « Un chien détendu aura une posture souple, une respiration régulière et un regard doux. À l’inverse, un corps rigide, des poils hérissés et une respiration saccadée sont des signaux d’alerte, même si la queue s’agite. »

Le chat qui montre son ventre ne demande pas toujours des caresses #

Cette posture est souvent interprétée comme une invitation à caresser le ventre du félin, à l’instar de nombreux chiens. « En réalité, lorsqu’un chat vous montre son ventre, il vous témoigne sa confiance en exposant sa zone la plus vulnérable, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il souhaite être touché à cet endroit », explique la Dr Leroy.

Pour beaucoup de chats, le ventre est une zone hypersensible et intime. Le toucher peut déclencher un réflexe défensif qui se traduit par un agrippage avec les pattes avant et des coups de pattes arrière, parfois accompagnés de morsures.

Comment mieux interpréter ? « Si votre chat vous montre son ventre, considérez cela comme un compliment, un signe de confiance, plutôt que comme une invitation tactile », suggère la vétérinaire. « Privilégiez les caresses sur la tête, sous le menton ou le long du dos, zones généralement mieux tolérées. »

Le chien qui bâille n’est pas nécessairement fatigué #

Le bâillement chez le chien est souvent interprété comme un signe de fatigue, mais il peut en réalité signaler bien autre chose. « Le bâillement est fréquemment un signal d’apaisement que le chien utilise lorsqu’il se sent anxieux ou en présence d’une tension sociale », révèle Marc Dubois.

En situation de stress ou de conflit potentiel, le chien peut bâiller pour communiquer ses intentions pacifiques ou pour tenter de réduire sa propre anxiété. C’est également un comportement que l’on peut observer lors de séances d’éducation trop intenses ou trop longues, indiquant une saturation cognitive plutôt qu’une fatigue physique.

Comment mieux interpréter ? « Si votre chien bâille répétitivement dans un contexte social, lors d’une rencontre avec un congénère ou dans un environnement nouveau, c’est probablement un signe de stress », indique l’éducateur. « Donnez-lui de l’espace et du temps pour s’adapter, sans le forcer à interagir. »

Le chat qui pétrit n’est pas toujours en manque affectif #

Ce comportement adorable, où le chat alterne des mouvements de pattes comme s’il pétrissait de la pâte, est souvent associé à un besoin d’affection ou à un souvenir de l’allaitement. « C’est partiellement vrai, mais c’est plus complexe », nuance la Dr Leroy.

« Le pétrissage est un comportement inné qui commence effectivement durant la période d’allaitement pour stimuler la production de lait maternel. Chez l’adulte, il persiste comme un comportement de réconfort que le chat peut manifester dans des situations variées : bien-être, anticipation d’un moment agréable, auto-apaisement, ou même marquage territorial via les glandes odorantes situées entre les coussinets. »

Comment mieux interpréter ? « Un chat qui pétrit sur vous vous fait un immense compliment. Il vous associe à une sensation de sécurité et de confort », explique la vétérinaire. « Cependant, si ce comportement devient excessif, notamment sur des textiles ou s’accompagne de succion, cela peut parfois indiquer un sevrage trop précoce ou un stress qu’il convient d’évaluer. »

Le chien qui détruit n’est pas forcément « vengeur » #

« Mon chien a détruit mes chaussures parce que je l’ai laissé seul » – cette interprétation anthropomorphique est extrêmement répandue. Pourtant, les experts sont unanimes : les chiens ne détruisent pas par vengeance.

« Les destructions sont typiquement liées à l’anxiété de séparation, à l’ennui ou à un surplus d’énergie non dépensée », explique Marc Dubois. « Le chien ne fait pas le lien entre votre absence et une quelconque ‘punition’ qu’il vous infligerait. Il répond à son état émotionnel du moment. »

La destruction peut aussi être liée à une phase de développement normal, particulièrement pendant la dentition chez le chiot, où le besoin de mâcher est physiologique.

Comment mieux interpréter ? « Si votre chien détruit en votre absence, envisagez cela comme un signal de détresse plutôt que comme un acte délibéré contre vous », conseille l’éducateur. « Travaillez sur l’anxiété de séparation, assurez-vous qu’il reçoit suffisamment d’exercice physique et mental, et proposez-lui des jouets à mâcher appropriés. »

Le chat qui urine hors de sa litière n’est pas « méchant » #

L’élimination inappropriée est l’une des principales raisons d’abandon des chats. Pourtant, ce comportement est rarement motivé par la « méchanceté » ou la « rébellion » que lui attribuent certains propriétaires.

« C’est presque toujours un signe de problème médical ou comportemental sérieux », souligne la Dr Leroy. « Une infection urinaire, des calculs, une cystite, ou même des douleurs articulaires rendant l’accès à la litière difficile peuvent en être la cause. Sur le plan comportemental, cela peut signaler un stress, un conflit territorial avec un autre animal, ou un problème avec la litière elle-même – emplacement inadéquat, type de substrat non apprécié, ou propreté insuffisante. »

Comment mieux interpréter ? « La première étape est toujours une visite vétérinaire pour exclure un problème médical », insiste la spécialiste. « Ensuite, analysez l’environnement : avez-vous changé quelque chose récemment ? Y a-t-il des tensions dans le foyer ? La litière est-elle nettoyée régulièrement ? Est-elle placée dans un lieu calme et facilement accessible ? »

Les clés d’une meilleure communication interspécifique #

Comprendre nos animaux de compagnie nécessite d’abandonner nos projections humaines pour adopter leur perspective. Voici quelques principes fondamentaux recommandés par les experts :

Observez l’ensemble du corps, pas un seul signal isolé « Les animaux communiquent avec leur corps entier », rappelle Marc Dubois. « Un signal ne prend son sens que dans un contexte global. »
Respectez les préférences individuelles « Comme nous, chaque animal a sa personnalité », souligne la Dr Leroy. « Certains chats adorent être portés, d’autres détestent cela. Apprenez à connaître votre compagnon particulier plutôt que de vous fier aux généralités. »
Éduquez-vous sur le langage spécifique à l’espèce Les chats et les chiens ont des codes de communication très différents. Un comportement qui exprime la joie chez l’un peut signaler l’anxiété chez l’autre.
Faites confiance aux professionnels « N’hésitez pas à consulter un vétérinaire comportementaliste ou un éducateur canin certifié si vous observez des comportements problématiques », conseille la Dr Leroy. « Plus tôt vous intervenez, plus les chances de résolution sont élevées. »

Nos compagnons à quatre pattes nous parlent constamment. En apprenant à mieux décoder leur langage, nous renforçons non seulement notre lien avec eux, mais nous contribuons également à leur bien-être en répondant adéquatement à leurs besoins. Et n’est-ce pas là l’essence même de l’amour que nous leur portons ?